Serviable et si discret

Le « conseil de guidance » m’apprend ce matin la convocation des parents de K. en fin de journée. Les raisons de l’éloigner un jour ou deux de l’école sont nombreuses. J’exprime mon sentiment : à tout le moins les parents pourraient-ils inviter leur fils à ne plus s’immiscer dans la vie de ses condisciples ?

Il est quatorze heures, dans la même journée. La préparation d’une dictée figure au tableau. K. s’est installé devant une table, parfaitement calme. La plupart de ses condisciples commencent à prendre note : ils adhèrent à la consigne.

M., qui n’écrivait pas et qui n’avait d’ailleurs sorti aucun cahier, soudain se lève et gagne une fenêtre, sans en demander l’autorisation. Il prétend l’ouvrir toute grande tandis que l’élève à proximité du vantail s’y oppose. Une méchante altercation éclate, M. se montre violent, si violent que K., dont je parlais plus haut justement, quitte sa place et apporte son aide pour séparer ceux qui sans lui eussent pu s’anéantir.

À peine calmé mais loin de se rasseoir, M. se dirige vers le lavabo et entreprend de se rafraîchir*.

— Je saigne, Monsieur, je me suis écorché le bras en éducation physique et la plaie s’est rouverte !

— C’est vrai, Monsieur, renchérit K., je vais l’aider à se rincer.

Joignant le geste à la parole, K. s’est emparé d’une serviette avec laquelle il entreprend de soigner le blessé. Je les prie de s’éloigner et de rejoindre leur place. Comme ils feignent de ne pas m’entendre et qu’ils s’appliquent à tenir leur rôle, je m’assieds à mon bureau et me mets à écrire rapidement dans un carnet sorti pour la circonstance.

— Qu’est-ce que vous faites ? me demandent-ils d’une seule voix.

Je les ignore et continue à noter. Ils hésitent à approcher pour tenter de lire.

Alors la scène qui devait sans doute perdurer (et perturber) l’heure entière s’est interrompue : chacun a regagné sa place.

J’oubliais de préciser que K. est le cousin de M., lequel se devait de lui donner matière à prouver, encore avant la visite des parents, qu’il pouvait remarquablement s’occuper des affaires des autres, et à leur plus grand bénéfice.

M. BACKELJAU

 Par un décret de 2001, le Conseil de guidance est un groupe réunissant tous les acteurs de l’école, présidé par le chef d’établissement, chargé de suivre l’évolution des élèves du premier degré en vue de contrer l’échec scolaire ; il ne remplace toutefois pas le Conseil de classe.