BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Paul et Virginie, Avant-propos
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Je me suis proposé de grands desseins dans ce petit ouvrage. J’ai tâché d’y peindre un sol et des végétaux différents de ceux de l’Europe.
Nos poètes ont assez reposé leurs amants sur le bord des ruisseaux, dans les prairies et sous le feuillage des hêtres.
J’en ai voulu asseoir sur le rivage de la mer, au pied des rochers, à l’ombre des cocotiers, des bananiers et des citronniers en fleur. Il ne manque à l’autre partie du monde que des Théocrites et des Virgiles, pour que nous en ayons des tableaux au moins aussi intéressants que ceux de notre pays.
Je sais que des voyageurs pleins de goût nous ont donné des descriptions enchantées de plusieurs îles de la mer du Sud ; mais les mœurs de leurs habitants, et encore plus celles des Européens qui y abordent, en gâtent souvent le paysage.
J’ai désiré réunir à la beauté de la nature entre les tropiques, la beauté morale d’une petite société. Je me suis proposé aussi d’y mettre en évidence plusieurs grandes vérités, entre autres celle-ci, que notre bonheur consiste à vivre suivant la nature et la vertu.