21 juillet 2005
Mademoiselle Madame - Le Grand Jour
Poème fluvial urbain grandeur nature
Mademoiselle Madame doit venir souffler les bougies de son 175e anniversaire et fêter les 25 ans de sa seconde jeunesse. C’est un grand moment. On vient se faire plaisir. On s’est endimanché, on porte le chapeau. Anciennes gloires, nouveaux princes, peuple et citoyens papotent dans l’alignement forain de baraques fritières nombreuses et accueillantes. Çà et là s’agitent des drapeaux aux couleurs préférées de Mademoiselle Madame. Les notables s’installent près d’une tribune royale. Une armée de l’air vient dessiner 25 bougies en fumigènes acrobatiques. Mille pétards bruyants éclatent. La fête commence.
Mademoiselle Madame arrive. C’est une péniche , aussi vraie que nature, ventrue à souhait, impressionnante et tranquille. À son bord, ceux qui souvent parlent de nous, à leur manière : des artistes. Mademoiselle Madame les connaît. Elle les abrite, elle les couve. à son bord, des surprises. C’est un anniversaire.
Mademoiselle Madame descend le cours d’un fleuve. Elle traverse les paysages. Elle vient des hauteurs, comme d’une Ardenne logée en bout de pays. Elle vogue vers le bas, vers une Flandre côtière. Un phare raconte cette frontière. La mer vient juste après.
Mademoiselle Madame a plus d’un tour dans sa coque.
Elle dédie le premier à la drache nationale : un nuage sort du bateau. Il est tenu, ficelé. Un sort à l’éternelle capricieuse.
Sur le pont du bateau, une fanfare schubertise une musique incroyable où l’Afrique, le Maghreb, la Bosnie et Outstiplou ne sont plus des lointains. Le temps d’une rencontre.
Une mademoiselle et une madame gambadent sur les flancs de Mademoiselle Madame. Elle leur a donné des oiseaux, ses oiseaux, comme on donne une dragée. Elle revit. Ces oiseaux vont aux spectateurs, des centaines d’oiseaux, des centaines de citoyens. La Belgique, à tire d’aile, à vol d’oiseaux.
Là-haut, sur le toit d’une montagne urbaine, une caravane : la maison temporaire d’un Will Tura célibataire. ça chante, ça grise, ça émeut. Les poils de nos bras ont besoin d’un coiffeur.
Des danseurs escaladent un building, pantins vertigineux dans le dédale moderne. On y marche à l’envers. Le sol est un mur, le mur est un ciel. Mademoiselle Madame Belgique, où as-tu la tête ? Dans les nuages ?
Sur le toit de la péniche, un piano magnifique. Un chant l’emmène heureux qui comme Ulysse. Un géant fragile pousse le bateau. Ses efforts sont couronnés.
Plus loin, quand le phare est tout proche, la péniche s’arrête.
Le voyage a duré. 175 ans. Une première vie. Il faut souffler.
Un fou dévale du ciel, la tête en sablier. Dieu Temps passe. Il porte une grande bougie. Il atterrit sur le bateau. Il enflamme le navire. Mademoiselle Madame est un bateau d’anniversaire ! Un petit gâteau, sort des flancs du bateau. Il est confié aux citoyens. à charge de ceux-ci de le transmettre à Sa Majesté le roi des Belges. Le gâteau passe de mains en mains. Chacun participe, se donne au geste symbolique. Sa Majesté, enfin, se penche et souffle son vent royal. Sur la péniche, des flammes jaillissent à qui mieux mieux. Brabançonne générale en version de gaieté. Salve confite de papiers multicolores. Toute la rue est noyée dans la neige à fêter. La Belgique danse. Pas de deux, pas de trois, pointes et rigolades.
Deux Messieurs poussent la chansonnette – les filles du bord de mer : Mademoiselle et Madame. Un grand soleil se lève, la mer monte, les nuages fuient, un phare s’illumine. Le bateau s’efface vers un lointain maritime.
Mademoiselle décolle, étire sa grande robe. Elle vole au milieu des fenêtres. Elle a 25 ans. Pour l’applaudir, 1000 étoiles éclatent au firmament. Elle est au paradis ! En avant les musiques.
Belgitudes aphrodisiaques
M.Zo
Art-penteur
Concepteur, metteur en scène du spectacle
Compagnie Les Facteurs d’Amour