— Monsieur, ce matin, on nettoie le local : je vais chercher un balai.
Préparé à un autre combat, mon esprit distingue à peine cette fleur au bout du fusil.
— Et moi, la ramassette.
La porte reste ouverte sur la réplique négative que je n’ai même pas murmurée. Sur quelle scène le rideau s’est-il levé ? Je ne devine pas plus la réponse dans les yeux des autres élèves qu’ils ne la lisent dans les miens. La curiosité suspend nos gestes. Combien de secondes, combien de minutes fûmes-nous ainsi ôtés au temps ?
— On a tout ce qu’il faut, monsieur, annoncent-elles à peine essoufflées, on va s’y mettre !
La classe devient le théâtre d’une ardeur inspirée : rien n’est perdu, tout se crée. Mes yeux incrédules voient le tableau s’effacer, les craies se ramasser, la corbeille s’emplir. On rince l’éponge, on change l’eau du seau ; la tornade dissipe les derniers nuages.
Les camarades qui jusque-là assistaient au spectacle assistent désormais les premiers rôles : on pose les chaises sur les tables pour mieux balayer. Le local récupère ses dimensions ancestrales : peu habitués à ce régime, débarrassés des fardeaux qui les masquaient, les coins retrouvent leurs limites angulaires. On découvre des territoires naguère abandonnés à la reproduction sournoise de bics mutilés, de compas unijambistes, de rapporteurs brisés ou de Tetra Paks plus ou moins écrasés. On remet en place le mobilier, aligné comme au cordeau.
— Oui, vous avez raison et votre attitude le démontre : il existe des qualités morales dont la validité se vérifie par des actes.
M. BACKELJAU