Quatorze (Suite)

Trente ans

La porte s’ouvrit, et, bien que je ne l’eusse plus rencontré depuis trente ans, je reconnus immédiatement mon camarade. Son regard intelligent et rieur n’avait rien perdu de son acuité. La façon de s’exprimer, avec ironie et légèreté et, à la fois, avec chaleur et attention était celle que je lui connaissais : ce style était sans doute un trait commun aux élèves de notre école, mais il le cultivait avec un rare bonheur. Et si le corps, les gestes, le propos, n’étaient plus celui de l’étudiant, j’en retrouvais le caractère familier, comme transposé mais de même essence.

— Je suis installé ici depuis peu, et je ne sais toujours pas comment actionner le portier électrique ! à moins que j’aie choisi le seul appartement où il ne fonctionne pas… Comme l’immeuble est un moulin, je me suis dit que tu n’éprouverais aucune peine à entrer !

Au sortir de ses études d’ingénieur, il était parti pour l’étranger. Les premières années avaient été pénibles, car il éprouvait le mal du pays et bien des incertitudes pesaient sur son avenir. Mais il aimait son métier, et le travail ne manquait pas. Il avait fini par s’attacher à cet Extrême‑Orient où il vivait, et bientôt à une compagne vietnamienne qui partagerait sa vie. Il me la présenta.

Ils étaient revenus en Belgique pour quelques mois, et avaient préféré à l’hôtel la location d’un petit appartement. Ses parents à lui l’avaient rejoint lorsque son père avait pris sa retraite, il y a six ou sept mois. Mais il restait quelques affaires à régler, … et quelques amis à revoir.

Je passai une après-midi magnifique. Nous évoquâmes évidemment de nombreux souvenirs, généralement cocasses et dont le caractère attendrissant nous aurait échappé s’il n’avait été souligné par son épouse dont la spontanéité n’avait d’égale que sa délicatesse.

Au moment de prendre congé, et avec ma promesse de les accueillir bientôt chez moi, il me retint par le bras :

— Je voudrais te demander un service. Tu vois cette enveloppe ? Pourrais-tu la conserver chez toi, jusqu’à ce que je te la réclame ? Moi, je vais, je viens…

Ils m’accompagnèrent dans l’ascenseur, et, tout en se réjouissant de m’avoir retrouvé, jusqu’à ma voiture. Je partis, le cœur un peu serré.

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