Ce soir-là (Suite)

Songe

Bien que je ne visse pas ses lèvres remuer, la silhouette m’adressa la parole :

— Alicia sum. Cui loqueor ? Quid hic facis ?

C’était un lutin qui parlait latin.

— Ego, Ernestus sum. Quid hic facio… Quid hic facio…

Heureusement, je parlais latin ce soir-là ! Et je me présentai. Mais l’idée ne m’était pas venue qu’on pût me demander à moi aussi ce que je faisais là.

S’il est rare en effet de se trouver dans la cuisine de ses voisins en fin de nuit, précisément sans y avoir été invité, il est plus rare qu’y vague une sorte d’elfe, notamment sur la table, et plus rare encore que les deux situations se produisent concurremment.

Et il avait plu au destin que je fusse désigné, moi l’humble étudiant en sciences comportementales, pour me voir au cœur de cette étrangeté !

Mais où en étais-je ? Ah ! oui : un elfe… Mais quel elfe ? Il avait disparu !

J’ouvris la bouteille d’eau pétillante que je laisse habituellement sur ma table de cuisine et me servis. Je bus d’un trait et retournai machinalement me coucher.

Inutile de vérifier si mes voisins avaient laissé leur porte ouverte : Bruxelles ne s’éveillait pas et j’avais sommeil.

M. BACKELJAU

Fin

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