Reflets (Suite)

Coup double

Sur les ondes de radio et de télévision, les premières séquences publicitaires invitaient chacun à se prémunir contre les monstres volants. Ici, une voix chaude conseillait l’achat d’un treillis spécial, conçu pour s’adapter à toutes les fenêtres classiques : ainsi les vitres seraient épargnées en cas de choc. Là, des casques étaient déjà offerts à la vente, sur lesquels les œufs, même tombant de haut, rouleraient sans blesser le passant avisé. Des permanences, sociales ou privées, informaient le public des stratégies qu’elles mettaient en place pour le bien‑être mental des personnes confrontées à une situation problème liée à ce récent phénomène. Une cohorte de commerçants, de profession ou d’occasion, avait émergé comme champignons après la pluie.

« Nous interrompons nos programmes habituels car un de nos envoyés spéciaux nous appelle : Vous nous entendez, François ?

— Oui, Cécile, du nouveau, hélas sous le signe du deuil. En effet, l’immigration inattendue des crocodiloptères a causé ses deux premières victimes : un couple de Bruxellois aurait trouvé la mort sur un lopin de terre à usage de parking le long de la Nationale 28, sur la commune flamande de Pepingen. C’est un paysan, propriétaire du terrain, et de la Volvo sinistrée qu’il y avait rangée, qui aurait prévenu la police : un œuf d’une dizaine de kilos s’était abattu sur son véhicule. Peu avant l’arrivée des policiers, un second œuf aurait fracassé la tête de l’épouse tandis que son mari qui lui portait secours aurait été déchiqueté sous les dents de la femelle.

» Les secours alertés à la fois par le fermier et par la première équipe de sécurité sur place ont malheureusement dû constater le double décès…

— Je vous interromps, François, car d’autres vagues de crocodiloptères s’abattent, non seulement sur le pays mais, me dit-on de source bien informée, sur l’Europe entière… »

Bientôt, les cours d’eau déborderaient et inonderaient les zones habitées, des tremblements de terre se multiplieraient, des épidémies épouvantables se propageraient à une vitesse fulgurante, des espèces historiques qui n’existaient que dans les livres et cahiers d’écoliers envahiraient la planète.

Ou le genre humain disparaîtrait du globe ou, pour avoir survécu à ces cataclysmes, il s’en sortirait magnifié.

M. BACKELJAU

Fin

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